[Accepté]Naonak

Plusieurs mois de voyage furent nécessaires, de nombreux villages furent détruits ainsi que les individus en armure encore neuve qui s’y trouvaient. Ils subirent tous les caprices de ma massue. Je me nomme Naonak, fils de Holdaris et prince exilé du royaume d’ Erdös. Je me présente à vous tel un simple soldat, inconnu et rempli d’une colère immense.

Mon périple m’a conduit jusqu’aux portes de ce temple. Un lieu déclaré comme maudit par certains, redouté par d’autres et parfois cité comme légendaire. Je n’ai pas hésité à quitter le trône qui m’était promis, les femmes qui m’étaient dues et la passivité de mon village pour venir jusqu’à vous.

Me voici arrivé devant ce qu’on appelle l’antre des EnferS. L’air s’était subitement raréfié et la température bien supérieure à celle de mon voyage dans le désert. Il n’était plus question de faire marche arrière. Mon voyage arrivait à son terme. Naonak fixa les pointes de métal recouvrant sa masse, la serra de pleine main et avança d’un pas déterminé vers l’entrée du temple.

La Gardienne de la Porte attendit qu'il se plante devant celle-çi. L'Etranger semblait désorienté, mais très décidé.

Naonak, bien sûr... dit-elle depuis l'ombre, d'une voix étrangement chaleureuse qui ne lui était pas naturelle. On y sentait de l'ironie mal dissimulée.

Je me demandais quand tu allais venir...
A croire que tous les combattants d'Ignis pensent leurs places acquisent au sein de notre Armée... de chaleureuse, a voix passa directement à cassante.

Sans laisser le temps à l'Etranger de répondre, ou de comprendre son test de réaction, elle reprit:

Bon, la...Tradition, dirons nous, m'oblige à te demander ce qui t'amene içi.
Même si je pense connaitre la réponse.

Toujours cachée par l'ombre, elle l'observait attentivement. Seul la respiration du guerrier se faisait entendre dans le grand Hall. Une respiration etonnament calme.
Elle invectiva, afin d'abreger ce silence:

Maintenant, parle !

Naonak fit plusieurs pas vers l'endroit d'où semblait provenir les voix. Il ne savait pas vers qui s'adresser donc se décida finalement à répondre à la question posée dans un ton général :

Je suis venu jusqu'à votre repère car j’ai pour but ultime de rejoindre votre grande nation et vous aider à lutter contre ce troupeau de pacifistes qui prônent la paix et l'amour sur ces terres.

A peine ces mots prononcés, il sentit remonter en lui cette colère qu'il tentait d'enfuir au plus profond de son être et qui ressurgissait à chaque pensée de bien-être. Il ne voulait pas d'un monde de beauté. Il voulait faire souffrir, tuer et permettre aux démons de contrôler ce monde abjecte.

Allez, montrez vous, je sais que vous êtes là, tous là....

Plus il se rapprochait, plus l’odeur du sang s'intensifiait dans sa tête. Il avait trouvé ceux qu'il cherchait depuis des mois, ceux qui l'ont fait tout abandonner pour se rallier à la cause finale de terreur.
Il s’arrêta tout à coup, ces sens aux aguets. Quelque chose venait de traverser la pièce, allant d'un pillier à un autre. Il attendit, immobile, puis s'écria.

Pourquoi vous cachez-vous ainsi? Que fuyez vous? Ma massue ne vous est pas destinée...

La Gardienne était très étonnée. Non seulement il parlait avec force et détermination, mais c'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un s'approcher d'elle, dans le noir complet.

Son avis sur l'Etranger se partageait désormais: Etait-il admirable et courageux, ou completement fou ?

Sa voix s'éleva de nouveau, se voulant apaisée :

Naonak, les armes sont prohibées dans notre Antre...Celles des Hérétiques, du moins...
Je te prierais également de ne pas hausser la voix, cela à tendance à... me déplaire. Sa mauvaise courtoisie voulait cacher sa stupeur.

Ce guerrier l'intriguait, il n'était pas comme ça avant...sur Ignis...
Enfin, du peu qu'elle le connaissait.

Tu veux donc adhérer à notre Armée...
Mais qu'est ce qui te dit que nous voudrions de toi ?
Qu'as-tu de spécial ?
Es-tu juste profondement et naturellement mauvais, ou est-ce le découlement logique d'un évenement concretement spécial ?

Le petit rictus qui l'anima resta invisible pour l'Etranger, qui ne pouvait toujours pas la voir, et elle l'esperait, ne l'essayerait plus.

La gardienne était là, dissimulée par l’obscurité de la pièce. Elle lui parlait, lui posait des questions pour tenter de le cerner. Naonak l’écoutait.

A peine eut-elle fini qu’il reprit sa marche en avant en s’exclamant :

Tu sembles me connaître ? J’ignore pourtant qui tu es ! Tu as dû avoir de la chance ce jour là, rares sont ceux qui survivent à ma rencontre. Le sceau des EnferS devait probablement être déjà gravé sur ta peau…

Au fil des questions, il lui semblait effectivement que la voix lui était familière. Une de ses nombreuses maîtresses, sans doute... Il attendit poliment qu’elle se taise pour répondre aux questions.

Tu me demandes la raison pour laquelle vous auriez besoin de moi? Notre but commun de répandre la destruction et la mort sur Melrath en est la principale. De nouveaux pactes de non agression se signent chaque jour. Cela suffit. Il ne reste que vous, les EnferS, pour mettre le chaos et mon aide ne sera pas de trop, je vous le garantis.

Qu’ai-je de différent ? Je suis déterminé à accomplir la quête d’extermination de la population qu’on appelle dans notre jargon «des éleveurs ». Je suis prêt à m’allier à quiconque à ce même objectif.

Ma nature profonde est de faire souffrir, de dominer et de ne pas avoir de pitié. Il est vrai que j’ai tenté, par le passé, de résister à ma véritable personnalité. En effet, j’étais destiné à être roi et régner sur une citée de paix. Mon père ne voulait ni conflit ni conquête. J’ai été entraîné dès mes plus jeunes années pour la protéger des envahisseurs. Arrivé à ma majorité d’âge, je ne pouvais supporter cette passivité plus longtemps. Je gâchais ma vie et mon don pour le combat. J’ai tout quitté pour retrouver cet accord avec moi-même… et me voici devant vous.

Naonak continuait d’avancer sans savoir qui allait enfin surgir de l’ombre. Il y avait du mouvement autour de lui.
Montrez-vous, démons…

Rien de surnaturel ne se produit. Juste un homme, ni vieux ni jeune, revêtu d'une simple cape grise, miteuse qui s'approche. Un grand bâton en bois sert d'appuis à l'homme, qui semble avoir du mal à marcher. D'une voix sifflante, l'homme s'adresse à l'étranger :

"Qui es-tu, pour oser crier ici ? Te prendrais-tu pour un homme assuré de devenir démon ? Saches que, si la place de Démon se mérite, ça n'est ni le moment ni l'endroit.

De plus, écoute attentivement ce qu'il va suivre...

Les enfers ne sont pas une guilde, c'est une nation. Nous n'avons que faire des gens qui entrent dans le sanctuaire, pour en repartir quelques jours plus tard.

Je suis Mach Gulam, Juge Originel des Enfers... Et je dois te poser des questions...

Ta vie semble mondaine. Tu n'as aucune pitié ? N'en sois pas si sûr... Regarde Médolie, la Gardienne. Elle est jolie, n'est-ce pas ? Imagine que tu l'aimes. Imagine que vous ayez des enfants. Saches qu'il suffirait que je dise à Médolie que ses enfants m'énervent pour qu'elle obéisse à mon ordre inaudible de les tuer. En ferais-tu de même ?

Tu parles du Mal, du Chaos, de la Destruction... Mais comment imagines-tu ce monde des éléments sous la coupe des Enfers ?

Tu es ici en Enfers, fils d'Ignis. La chaleur des terres élémentaires n'est rien comparée à la lourdeur des salles de torture...

Parle. Et veille à mesurer tes mots..."

L'homme ne s'éloigne pas, il reste là, et attends.

Médolie sortit de l'ombre, derrière le Juge. Elle le salua comme il se devait, et pointa son regard vide sur Naonak.

Les paroles du Juge étaient toujours si déroutantes.
L'Etranger ne pourrait sans doute pas résister, ses réactions, ses peurs profondes allaient enfin surgir.

Elle attendit à cotè de Mach Gulam, son visage encore moins expressif que la Porte de l'Empire des Morts.
L'Etranger la reconnaitrait surement, mais la présence du Juge annoncait la fin des courtoisies.
Son avenir en était compromit, à moins qu'il redouble de ce courage qui l'animait... ou de cette folie.

Un homme daigna enfin sortir de l’obscurité. A première vue, il ne semblait ni très robuste ni très méchant. Mais, il ne s’agissait pas de sous-estimer son opposant, surtout en ces lieux mythiques.
Il se présenta comme juge des EnferS, un des trois célèbres recensé à ce jour. Ce n’était donc pas n’importe quel individu de seconde classe qu’il avait en face de lui. Sa requête devait, par conséquent, avoir été entendue.

A peine ces questions posées que surgit à visage découvert celle qui lui avait parlé depuis plusieurs minutes. Médolie, Gardienne de la porte. Plutôt jolie mais un rien trop pouponnée, à son goût. Naonak se rapprocha de la dernière venue.

Votre visage ne m’est, en effet, pas inconnu mais je ne saurais dire en quelle occasion je vous ai croisé, si ce n’est lors de mon passage sur les terres du Feu. Avec tout le respect que je vous dois, mademoiselle, j’ai le monsieur à votre droite qui m’a posé une question et j’ai le devoir de lui répondre. Nous aurons tout l’occasion d’évoquer notre passé une prochaine fois.

Naonak pivota pour poser son regard vers le juge :

Voyez vous, je ne suis pas venu ici dans l’ignorance la plus totale. Je me suis renseigné, j’ai questionné les miraculés qui ont su éviter le coup de grâce de vos mains, avant de les achever des miennes. Je sais à quoi m’attendre. Je sais que les luttes ne seront pas gagnées d’avance. Il y a tant de choses à nettoyer dans ce monde, tant de gens qui doivent mourir.
J’imagine qu’au-delà de cette fameuse porte, la vie est bien plus dure que je ne l’ai vécu, jusqu’aujourd’hui. J’en suis conscient. J’ai longuement réfléchi avant de quitter mon peuple, aucun retour en arrière n’est possible.
Si mes épaules ne sont pas assez solides, je ne mériterai plus d’être des vôtres et je disparaîtrai, en emportant quelques généraux avec moi dans les profondeurs de l’oubli.
Je n’ose rêver du jour où les EnferS règneront sur Melrath, on est encore si loin du compte.

Mach Gulam avait écouté attentivement le point de vue du guerrier avant de lui soumettre une nouvelle situation, tout aussi imaginaire. Dans la scène décrite, Naonak aimait Médolie et avait des enfants avec. La question qui lui fut posée fut de savoir s’il accepterait de tuer ses enfants sous l’ordre du juge. Naonak tenta de se visualiser le décor avant de rétorquer :

Je ne suis pas venu ici pour chercher l’amour. J’ai été bercé par tout cela dès mon adolescence, j’ai eu de nombreuses expériences. J’avais des femmes et des enfants quand je suis parti d’Erdös. Ils étaient trop jeunes pour que je les emmène avec moi. Je retournerai les voir, un jour, pour savoir s’ils sont aptes à suivre mes traces. Ils me suivront ou ils mouront.
Mais, admettons votre scène réalisée. Navré de vous déplaire, mais je n’accepterai jamais que mes enfants meurent par simple demande d’une tierce personne, quelle qu’elle soit. Je serai le premier à juger ma progéniture et à prendre des mesures si nécessaire. De plus, une éducation et un entraînement par des parents Enfériens ne devraient pas faire naître un enfant froussard et sensible.

Naonak ignorait si les réponses étaient celles attendues par le juge mais il lui fallait répondre honnêtement, sans tourner autour du pot.

Toussotant, l'homme écarte d'une main l'air devant lui, comme pour manifester son désaccord avec Naonak.

"Nous ne sommes pas encore parvenus à l'Arcade, et tu parles déjà comme quelqu'un voulant venir à nos côtés ! Veille à bien faire la différence entre les deux lieux distincts que sont la porte et l'arcade...

Mais puisque tu es si pressé, nous allons nous rendre à l'Arcade. Là, je statuerais mieux sur ton sort."

Le juge tape dans ses mains, et le décor semble s'effacer, pour finalement revenir à une salle mal éclairée. Un siège, faisant face à trois grands fauteuils, voilà ce qui sert de meuble dans la pièce.

"Bienvenue à l'endroit où tu seras jugé apte ou inapte à assouvir les volontés de Hadès.

Comme tu le vois, tu ne pourras pas sortir tant que je n'en aurais pas fini avec toi...

Je souhaiterais revenir sur ta réponse à ma question. Tu as été franc, et nous pouvons te le reconnaître. Mais tu as fait preuve de pitié, dans ta réponse. Or, tu as dit toi-même n'avoir aucune pitié...

Te contredirais-tu ?

Réponds, avant que le Grand Jugement ne commence !"

La salle s’était transformée sur un simple claquement de main. Une pièce plus petite, une température plus pesante que jamais, il avait progressé vers le centre du repère des EnferS. Il écoutait attentivement les commentaires du juge sur ce qu’il venait de répondre. Il lui fit signaler que plusieurs de ses actes paraissaient être de la pitié, inacceptable pour un fils d’Hadès. Le silence à peine revenu que Naonak se justifia avec une certaine audace:

Ce que vous avez pu prendre pour de la pitié n’est rien d’autre que de la réflexion et de l’intelligence de ma part. Mon apprentissage au combat m’a appris à analyser mon ennemi, savoir ce qu’il pense et connaître son point faible et frapper juste dès le premier coup.
Vous pensez que c’était la pitié qui m’a fait épargner mes enfants ? A quoi aurait-il servi de les tuer alors qu’ils n’avaient que quelques mois et étaient parfaitement inoffensifs? Ils pourront nous être utiles, plus tard.

Il en est de même pour vous qui m’écouter, pourquoi suis-je encore en vie alors que je me trouve dans l’endroit le plus dangereux qui existe pour un étranger ? Est-ce la pitié qui vous fait me laisser vivre à l’heure actuelle ? Je ne pense pas que ça en soit la raison…
Je suis prêt à servir les EnferS et Hadès jusqu’à ce que mon cœur ne cesse de battre. Ce ne sera ni la pitié, ni la peur qui viendront se mettre en travers de mon destin.

Naonak s’interrompit et fixa le juge dans l’attente du verdict.

Cela faisait plusieurs jours maintenant que Naonak attendait son verdict dans l'Arcade. Ce soir, il était impatient. Qu'est-ce donc qui pouvait autant faire durer le verdict ? Soudaink, une par une, les torches s'éteignirent. La grande porte marquée du sceau enférien s'ouvrit, laissant place à ce d'immenses chants brûlés.

"Bienvenue parmi nous, Naonak. Bienvenue en Enfer...

Puisses-tu être digne de recevoir la marque de l'empereur, puisses-tu être digne de servir l'une ou l'autre faction enférienne.

Bienvenue en Enfer."

Nanonak semble poussé vers l'étendue désertique. Tentant de se raccrocher comme il le peux à l'un ou l'autre meuble, il n'y arrive pas. Tout devient blanc. Lorsqu'il revient à lui, Naonak est étendu, allongé. Mais il sait. Aujourd'hui, il est devenu démon d'Hadès. Aujourd'hi, il est en Enfer...