Kyhra

Cela faisait des jours que je marchais. Je ne me souvenais même plus le nombre de Lunes qui s'étaient écoulées depuis mon départ.
Malgrès la fatigue, je ne decourageais pas. Plus que tout, je voulais y arriver. Les atteindre.
C'était mon but, mon dessein.
Je marchais, encore et toujours, sans en voir la fin.
Je ne perdais pas espoir. Jaimais je n'avais pensé a baisser les bras.

Enfin, Elle se dresse devant moi. Dans plus d'un de mes rêves elle m'était apparue.
La Porte.
Gigantesque.
Bien que l'excitation grandit en moi, je ne le laissa pas paraitre.

Je m'approcha. Mon coeur battait à tout rompre. Depuis mon départ, je me demandais en quoi consisterais l'épreuve d'entrée.
J'avais hate de faire mes preuves.
Ma curiosité l'emportant, je m'approcha plus près, et caressa la porte du bout de mes long doigts.

Les nuits étaient noires, ici.
Et les jours aussi.
Et ils se succédaient, inlassablement, dans le noir total et le silence pesant.

L'ennui est pire que la mort, je me surprenais à esperer des visites. Même des Démons, à la limite. J'aurais pu fixer une image sur mes ennemis, entendre un autre son que la respiration de Za'Hya, qui dormait contre moi.

Est-ce qu'elle dormait vraiment d'ailleurs ?
En tout cas, elle n'avait pas bougé depuis un moment. Enfin... j'aurais été bien incapable de dire combien de temps. Tous mes repères sont basés sur les passages, ici.

Autant dire... presque aucun.

La jeune fille s'approchait de la Porte.
Encore une qui ne nous vit pas. Cette Porte avai-elle vraiment un effet hypnotique ?

Je me rappelle d'un frêre-guerrier, dans notre village, dont la seule ambition était de voir cette Porte.
Il en est mort... avec le sourire aux lèvres dit-on, et son dernier regard posé dessus.

Je soulève ma Za'hya, pour la garder près de moi, et ne pas avoir à la laisser par-terre, même si elle ne dort pas.
Je me suis toujours demandé comment un si petit brin de fille, légère comme un souffle, pouvait avoir autant d'énergie.

Tu es devant la Porte des EnferS. Passage obligé vers l'Empire du Mal.
Que viens-tu faire ici ?

La place des jeunes filles est au sein de sa famille, dis-je en me rapprochant d'elle. Je priais en silence que ma femme, dans mes bras, n'ait pas entendu ça.

Je restais dans l'obscurité, à bonne distance.
Elle n'avait pas l'air dangereuse. Mais si je devais dégainer, jeter Za'Hya me poserait plus de probleme que la mort.

Le gardien sortit de l'obsurité.
Il s'adressa à moi, et j'eus l'impression qu'il me prenait à la légère.
Il me questionna, tout en se rapprochant de moi.

Tu es devant la Porte des EnferS. Passage obligé vers l'Empire du Mal.
Que viens-tu faire ici ?

La place des jeunes filles est au sein de sa famille.

Je vis alors qu'il tenait un corps, celui d'une femme. Laissant ma curiosité de coté, je lui repondit.

La place des jeunes filles faibles et inutiles est au sein de leurs familles.
Je veux vous rejoindre, me mettre a votre service, et à celui d'Hadès.
Je me soumettrais, et mettrais ma magie au service des Enfers.

Une réponse bien surprenante.
Quoi que... j'y étais habitué maintenant.
Le petit bout de femme que je tenais dans mes bras aurait, au moins, tenté de m'abattre après ces paroles. Alors une réponse sèche, qu'est-ce ?

Elle commençait à m'intéresser.
Elle lui ressemble un peu, ma petite Za'Hya. Je ne peux m'empêcher de ricaner. C’est le genre de caractère qu’elle déteste, sans jamais voir qu’elle le partage. Elle l’aurait trouvé trop sûre d’elle.

Moi c’est ce qui me plait.

Tu ne t’es pas présentée…
Je dois savoir ton nom, et surtout, par quelle folie es-tu venue ici ?

Les légendes sur les Enfers sont plus vieilles que le monde, mais sais-tu ce qu’ils sont vraiment ?
C’est le monde en négatif derrière cette Porte. Le noir et le mal, le sang et le feu. Tu ne trouveras rien d‘autre.

De nombreuses personnes sont mortes avant de pouvoir entrer.
Et tu sais quoi ? La majorité se sont donné la mort eux-même.
C’est la folie qui t’a amené, et c’est elle qui t’attend, que tu continues ou que tu t’enfuies.

Tu as déjà perdu en venant ici.
Mais veux-tu vraiment, perdre bien plus que ta vie ?

Son regard ne traduisait aucune expression. Etrange.
J’ai essayé d’être compatissant et effrayant en même temps. J’ai peur d’avoir mal mêlé les deux.

Les jeunes gens sont parfois si téméraires…
Et c’est pourquoi, ils ne vieilliront pas.

"Je m'appelle Kyhra. Je viens d'un village fort éloigné des autres, c'est pourquoi il n'est connu que des plus érudits. Cette isolation le rendait paisible, totalement démuni de haine et de violence"

Les yeux de Kyhra, aussi vert que l'émeraude, se transformèrent en fournaises bouillantes des hauts plateaux.

"Je pense que le plus simple serait de vous emmener par delà le temps !"
Elle s'avança vers le gardien, assez près pour que ses longs doigts effleurent les tempes de l'homme, lui envoyant des images, des flashs :

Des maisons, des remparts, bordant une foret ...
Une petite fille joyeuse et souriante, aux cheveux d'un noir de jais et aux yeux verts, courant autour de ses parents qui la regardent avec tendresse...
Un homme sombre, le visage caché par un grand capuchon...
Une jeune fille presque adulte aux yeux de lave au centre d'un village détruit, en cendre. Des cadavres meurtris, torturés. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous morts...
Une ombre, Un homme marquant la jeune fille aux yeux de sang!
Des mots raisonnent:

« Suis-moi et tu deviendras plus puissante »

"Depuis cette rencontre, j'ai perdu mon âme. Il m'a promis de faire de moi une nécromant d'exception. Il m'a dit que je serais tellement puissante que tout le monde me respecterait, me craindrait. Après plusieurs jours d’apprentissage, il est parti sans une explication, sans un mot... Appart cette phrase:

« Trouve moi et Hadès deviendra ton dieu »

Je n'ai rien à perdre, pas même mon âme. Alors ouvrez-moi les portes que je puisse retrouver les Enfers ! "

Non mais je rêve.
Elle le touche cette pétasse !!!!
Ca, je ne peux pas le laisser passer.

Jusque là j'ai préféré continuer à faire semblant de dormir plutôt que de me mêler de la conversation, qui de toute manière tournait à la rengaine habituelle, "je veux servir Hadès, Hadès est le plus beau, le plus grand, le plus fort, le plus méchant, et gnagnagna...". Classique et parfaitement sans intérêt. J'ai même pas réagi quand Sun a sorti son couplet machiste sur les jeunes filles. Grand crétin... Il a rien compris aux jeunes filles, lui, et la réponse de la visiteuse était pas mal, d'ailleurs, j'aurais presque applaudi.

Mais là, bas les pattes.

Je me dégage d'une secousse de l'étreinte de Sun, reprends pied sur le sol noir, et chasse la main de la fille d'une claque sèche et vindicative.

De un, tu le touches encore, je te troue.
De deux, le prochain ordre que tu prétendras nous donner finira en gargouillis.
De trois, y'a pas de trois.

Apprends que nous sommes ceux qui allons choisir de te laisser le passage ou de te le refuser. Tu n'as rien à perdre, tu dis ? Apparemment si. Tu as une porte devant toi qui peut rester fermée si tu continues à te croire chez toi, ici.

Une âme perdue de plus dans cet égout fumant.

Mon sourire part tout de travers, chargé d'amertume et de dégoût. Plantée devant Sun, entre lui et la fille, une main sur la hanche, l'autre sur le pommeau d'une de mes deux épées. Je la toise du regard, même si elle est un poil plus grande que moi. Mignonne. Jeunette. Inconsciente.

Bien...
Tu ne ferais pas tache, assurément.
Mais tu ne sortirais pas du lot non plus.
Dis-moi, la fille, qu'est-ce qui te rendrait inoubliable, hein ? En quoi tu leur serais indispensable, aux Enfers ? Tu crois qu'il attendent après toi ?
Et puis c'est qui, cet homme au capuchon ? Qui nous dit que tu n'es pas un piège, une de ces bombes magiques qui explosent à retardement ?
Si on te laissait entrer et que tu les trahisses, hein ?
Après tout, ton encapuchonné, c'est peut-être un ennemi des EnferS.

Allez la fille.
Fais voir ta belle combattivité.
Les EnferS n'ont que faire des chiffes molles comme des forts en gueule.
Et justement pour l'instant, à part ton verbe hautain et tes mains baladeuses, j'ai rien vu de bien captivant.
La Porte s'ouvre pour ceux qui en sont dignes.
Et seulement pour eux.

Kyhra recula d'un pas, en lancant un regard tueur à la femme qui venait de se reveiller...

*Et elle me traite de petasse en plus...*

La gardienne ne connaisait pas les pouvoirs que Kyhra possèdait. Elle avait peut etre l'air fragile physiquement mais elle détenait de puissants pouvoirs psychiques et savait s'en servir...

"Je ne tripote pas ton... porteur...
C'est avec lui que j'ai commencé a parler, c'est lui qui sais pourquoi je suis là... C'est donc lui qui décidera de mon sort.
Je pense que tu devrais t'écarter de mon chemin, ou l'homme au capuchon, comme tu l'as si vulgairement appelé, te "trouera"... Je ne fais que reprendre tes expressions... Qui sont si vulgaires, si vides de sens...
Tes paroles sont toutes à ton image... Insignifiantes..."

Tiens donc...
La donzelle préfère s'entretenir avec les messieurs, comme c'est surprenant...
Et évidemment j'avais beau être là, bien éveillée malgré les apparences, j'ai rien entendu, ça va de soi, les filles c'est tellement idiot, hein ? Sait-elle seulement que nous sommes liés ? Liés entre nous, liés à la Porte, et à travers elle à cette maudite démone qui nous a ramené de la mort pour nous planter ici à trier les arrivants ?

Je l'écoute me répondre et mon sourire se creuse de plus en plus.
Merci, oooooh, merci petite, je m'ennuyais ferme et voilà que tu viens avec ta belle arrogance et tes airs hautains, j'adooooore, j'ai trop de chance, vraiment !

J'ai même envie de te rire au nez.
Tiens, d'ailleurs je te ris au nez.
Un petit rire à la fois narquois et amusé, tu sais je t'aime bien, la fille, pourvu que Sun ne te prenne pas en pitié, j'ai bien envie que tu restes à me tenir compagnie un grand et très agréable moment.

Il me trouera ?
Diantre !
Tu veux dire... comme ça ?

J'ai sorti une de mes dagues et me la suis plantée proprement, en plein ventre. La douleur explose dans tout mon corps, un feu brûlant, intense, une illusion de vie dans ma chair morte. La douleur est bonne. Meilleure que la soif...

J'ai gardé mon grand sourire, tout le temps, et d'ailleurs je garde aussi la dague dans le ventre, je me contente de croiser les bras par-dessus.

Je fouille dans ma mémoire et cherche l'image de ceux qui vivent ici,
je la compare avec celle qu'elle a projeté dans l'esprit de Sun, la
garce, elle ne l'a pas seulement touché physiquement, en plus, elle
s'est introduite dans ses pensées. Mais je ne connais pas la silhouette
dont elle parle, il ne ressemble à rien de ceux que je connais de
l'entourage de la souveraine. S'il est ici c'est un solitaire sans doute. Difficile à dire, le capuchon masquait ses traits. Tant pis.

Je crois que tu n'as pas très bien compris, petite...

J'essaie de gommer le sarcasme dans ma voix, de la rendre seulement courtoise et neutre. Je ne crois pas que j'y arrive très bien.

Tu aurais mieux fait d'écouter mes paroles vulgaires et insignifiantes, parce qu'elles contiennent la clé de cette porte là derrière... Et je crains fort que te comporter en petite princesse pourrie-gâtée n'aide pas beaucoup à la faire ouvrir...
Alors je vais répéter doucement...
Je ne m'écarterai pas de ton chemin, et je me fiche pas mal de ce que ton encapuchonné pourrait me faire. Primo parce que je suis morte. Et secundo parce que je suis ici sur l'ordre de l'Impératrice elle-même.
Une femme.
Dommage pour tes préférences en matière de conversation.

Eclair d'ironie.
Pas pu m'empêcher.

Donc, je te conseille de rempocher tes grands airs, petite.
Parce qu'elle pourrait bien rester fermée très longtemps, cette porte.
Si tu entres aux Enfers, tu y entres pour servir. Et je doute qu'une effrontée dans ton genre soit capable de montrer assez d'humilité pour ça...
Sans parler de l'intelligence d'éviter d'insulter ceux dont dépend ton passage...

Je recule de deux pas nonchalants, pour aller m'appuyer contre la porte, l'air détenu et serein. Je considère les ongles de ma main gauche avec application. Médite là-dessus, ma jolie. Moi j'ai tout mon temps.

Kyhra regardait la femme avec un sourire, qui fut encore plus flagrand quand elle se planta la dague dans le ventre...

"Tu n'as pas compris ce que je voulais. Même si je trouve que la plupart des femmes n'ont pas de conversation, cela ne me derange pas de parler avec toi.
Au contraire... Je pourrais rester des heures à te regarder te planter des dagues dans le ventre...

Kyhra regarda la Porte avec avidité. Tout ce qu'elle voulait, c'était la franchir. Toutes ces années à travailler sans relache... Et toutes ces vies qu'elle avait dû sacrifier...
Ses yeux recommencèrent à prendre cette couleur de lave. A chaque fois qu'elle repensait au passé, ou aux personnes qu'elle avait tué, ses yeux se transformaient, et son envie de sang frais refaisait surface.
Elle essaya de ne pas y pensé, et de ne regarder que la Porte.

Tu doutes de ma soumission, mais tu ne devrais pas.
J'ai consacré les dernières années de ma vie à travailler pour être toujours meilleure, dans le seul but de rejoindre les Enfers,et de les servir.
J'ai developpé mes pouvoirs au péril de mon ame, de ma vie. Je pense que c'est une preuve de loyauté..."

Kyhra toisa du regard la femme qui se tenait devant elle. Elle était très belle, encore plus dans la souffrance. L'odeur du sang montait à la tête de Kyhra ; elle savat que sa soif de sang lui avait causé des torts plus d'une fois. Faisant son maximum pour ne pas succomber.
Elle sentait sa main avancer vers la plaie de la gardienne, et elle se fit violence pour arrêter son geste.
Elle releva la tête, sortant de son état de transe.

Quand à l'imperatrice, je lui voue une fidélité même à Hadès, car je suis sa servitrice.

Je ne dis pas que je suis indispensable aux Enfers, mais je pense que quelqu'un assoifé de sang comme mi ne peux être que profitable à la noble unité que sont les Enfers."

Je ne pus cacher un petit rire gêné.
Pourquoi, mon lys, faut-il que tu en fasses toujours autant ?

Elle t’a vu dans mes bras, elle m’a touché, elle t’a semblé prétentieuse…
J’aurais dû m’y attendre, mais n’aurais pu t’en empêcher…
Mais après tout, elle s’est calmé, et s’est assagie en un instant.

Personne ne peut te tenir tête, ma petite boule de nerf.

Eh bien, petite Kyrha…
Voilà un discours bien intéressant.

Je crois que la première impression était bonne, tu vas pouvoir passer, lui dis-je, en me rapprochant de Za’Hya.

Tu as l’air têtu, et ta volonté sera une arme bien plus qu’indispensable, là-derrière, dans ce monde de mort.
J’espère que tu ne fais pas d’erreur en souhaitant poursuivre, car la Porte ne s’ouvre qu’une fois, et si tu échoues plus loin…

Ne joue pas avec ça , murmurais-je à ma femme, en lui retirant le poignard du ventre, et lui caressant doucement, pour apaiser un peu de la fausse douleur.

… tu ne pourras plus faire marche arrière.
Mais je lis dans tes yeux, que ce n’est pas ton intention n’est-ce pas ?

La Porte grince et pivote lentement. L’éternel souffle incandescent vient balayer l’entrée et nous inonder de lumière rouge.

Adieu, petite…

Kyhra regarda le gardien, puis la Porte. Elle voulais l'admirer une dernière fois avec de la franchir.

"Je vous remercie de votre confiance. Je ne decevrais pas les Enfers, et vous ne me verrerez pas repasser cette porte en sens inverse.

Merci."

Enfin la Porte s'ouvrit. Avec excitation et fièreté, Kyhra passa.

L'odeur de l'air pur me vient aux narines, elles viennent de s'ouvrir lentement, ne laissant que peu d'espace à la damoiselle pour passer ...
Une nouvelle fois le bruit sourd et infini accueille une silhouette fine et agréable. Elle vient de passer la porte de l'éternité, clôturant ainsi un voyage d’apprentissage et pénible...
Elle, en qui j'ai mit ma confiance, s'approche du repère si bien dissimulé par nos ancêtres...
Le gouffre rouge et flamboyant des Enfers va bientôt l'accueillir testant ainsi les connaissances qu’elle a engrangées ...

Elle a passée une épreuve, mais devra affronter une nouvelle épreuve:

Les juges ! Disciples d'Hadès et bras droit de l’impératrice, ils seront impitoyables !

Courage!